On l’entend régulièrement dans les médias et les gouvernements nous le répètent, la population vieillit et au Québec comme partout au Canada, le nombre de personnes en situation de vulnérabilité croît sans cesse.
Le législateur québécois a donc décidé de réviser les règles de protection des personnes vulnérables et c’est dans cette optique que le projet de loi 18 modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes (L.Q. 2020, chapitre 11) a été adopté à l’Assemblée nationale du Québec le 2 juin 2020 et est entré en vigueur le 1er novembre 2022.
Cette nouvelle loi vise à offrir des mesures d’assistance et de représentation simplifiées et mieux adaptées à la situation de chaque personne. On misera dorénavant sur les forces des personnes vulnérables plutôt que sur leurs limitations. On veut ainsi valoriser l’autonomie et tenir compte davantage des préférences et volontés de ces personnes.
SITUATION AVANT LE 1er NOVEMBRE 2022
Portée du mandat de protection
Dès qu’il était établi qu’une personne était inapte[1], il fallait vérifier si cette personne avait signé, alors qu’elle était apte, un mandat de protection. Si c’était le cas, il fallait faire homologuer ce mandat de protection par le tribunal. En effet, un mandat de protection ne pouvait pas être utilisé par le mandataire sans au préalable avoir accompli certaines formalités légales. Il fallait compter plusieurs semaines voire plusieurs mois avant que ce jugement d’homologation ne puisse être obtenu.
Il faut savoir que dès qu’une personne devenait inapte, toutes les procurations que cette personne avait consenties devenaient caduques (incluant les procurations bancaires) et tous les biens de cette personne inapte étaient « gelés » jusqu’à l’obtention de ce jugement d’homologation. Même les comptes bancaires conjoints étaient gelés.
Aucun mandat de protection?
À la suite d’une inaptitude, si vous n’aviez jamais signé de mandat de protection ou si toutes les personnes désignées dans votre mandat ne pouvaient pas agir, il fallait tenir une assemblée de parents, d’alliés ou d’amis formée d’au moins cinq personnes qui se réunirait afin de donner leur avis sur la personne qui vous représentera. Si votre inaptitude était totale et permanente, un curateur devait être désigné. S’il était établi que votre inaptitude était partielle ou temporaire, c’est un tuteur au majeur qui serait désigné. Si vous étiez généralement apte à prendre soin de vous et à gérer vos biens, mais que vous aviez besoin d’aide pour prendre certaines décisions, c’est un conseiller au majeur qui serait nommé. De plus, un conseil de tutelle composé de trois personnes devait être formé dont le rôle serait de surveiller la conduite du curateur ou du tuteur. Une demande devait également être présentée au tribunal et être accompagnée des évaluations médicale et psychosociale afin de demander l’ouverture d’un régime de protection.
Compte tenu que c’est l’assemblée de parents, d’alliés ou d’amis qui déterminerait votre représentant, vous n’aviez pas le loisir de faire ce choix et vous n’auriez pas eu l’occasion de manifester vos volontés quant à la protection de votre personne, comme vous pourriez le faire dans un mandat de protection (clauses de traitement de fin de vie par exemple).
[1] Pour établir la preuve de l’inaptitude, il faut produire une évaluation médicale ainsi qu’une évaluation psychosociale de la personne inapte (article 315 du Code de procédure civile).
NOUVEAUTÉS DE LA LOI DEPUIS LE 1er NOVEMBRE 2022
- Le mandataire nommé dans un mandat de protection a dorénavant l’obligation de dresser un inventaire des biens de la personne inapte dans les 60 jours suivant l’homologation du mandat. De cette façon, il sera plus facile de savoir ce que la personne inapte possédait au début de l’entrée en fonction de son mandataire. Lors du décès de la personne inapte, le mandataire devra justifier tout écart entre la valeur du patrimoine au jour de son entrée en fonction et le jour du décès de la personne inapte.
- Le mandataire a de plus l’obligation de rendre des comptes à une personne qui sera désignée dans le mandat pour recevoir ces comptes à une fréquence qui ne devra pas excéder trois ans. Si le mandat de protection a été signé après le 1er novembre 2022, le mandant n’aura pas le droit de renoncer à cette reddition de compte de son mandataire.
- À défaut de mandat de protection, le régime de conseiller au majeur est aboli et remplacé par deux nouvelles mesures d’assistance allégées :
- La mesure d’assistance – Si un jour vous êtes moins autonome et désirez être accompagné pour prendre certaines décisions, vous pourrez faire une demande au Curateur public pour approuver cette demande d’assistance et pour inscrire le nom de cet assistant dans un registre public pour une période de trois ans. Cet assistant n’aura aucun pouvoir sur vos biens et il ne pourra signer aucun document en votre nom. Cet assistant agira comme intermédiaire auprès de tiers comme les banques et organismes gouvernementaux. Aucune évaluation médicale ni psychosociale ne sera requise ni aucune procédure au tribunal, et ce sera gratuit. Cette demande de nomination d’un assistant pourra également se faire devant un notaire ou un avocat accrédité moyennant des frais. Vous pourrez désigner jusqu’à deux assistants qui n’ont pas à agir conjointement à moins que vous ne le souhaitiez. Cette mesure d’assistance ne vous enlèvera aucun pouvoir et vous pourrez continuer à agir seul si vous le désirez. À la différence d’une procuration, l’assistant ne peut signer aucun document pour l’assisté. Il n’est qu’un porte-voix qui peut agir comme intermédiaire pour recueillir ou transmettre de l’information pour la personne assistée.
- La représentation temporaire – Cette mesure permet à une personne inapte de faire accomplir un acte précis en son nom par un représentant qui est désigné par le tribunal (par exemple, renoncer à une succession). Cette mesure est limitée à l’acte précis visé dans la demande. Une évaluation médicale et des démarches judiciaires sont requises pour cette désignation.
- Si vous devenez inapte et n’avez aucun mandat de protection, le régime de protection de tutelle au majeur vous sera octroyé. Les régimes de curatelle et de conseillers au majeur ont été abolis, et la tutelle est le seul régime de protection pour une personne inapte au Québec. Tous les majeurs inaptes sous le régime de curatelle seront désormais sous le régime de tutelle. Le tribunal a l’obligation de tenir compte des capacités de la personne inapte afin de lui laisser la possibilité d’accomplir seule certains actes. Comme c’était le cas auparavant, le tuteur n’a que des pouvoirs de simple administration. Le tuteur doit alors agir dans le but de conserver et de maintenir la valeur des biens, et il ne peut faire que des placements présumés sûrs[2].
Le tuteur ne peut disposer des biens de la personne inapte sans avoir obtenu les autorisations prescrites par la Loi. Celle du conseil de tutelle pour renoncer à une succession, par exemple, et celle du tribunal est nécessaire pour vendre ou hypothéquer un immeuble, par exemple. Des évaluations médicale et psychosociale ainsi qu’une procédure au tribunal sont requises.
[2] Placements présumés sûrs (articles 1339 et 1341 C.c.Q).
CHANGEMENTS POUR LES PERSONNES MINEURES[3] ÉGALEMENT
Si un mineur reçoit une somme d’argent ou des biens en héritage ou par donation, ou s’il accumule un patrimoine important dû à son travail, le Curateur public assure toujours la surveillance suivante :
- Si ce sont les parents du mineur qui administrent les sommes, on les appelle « tuteurs légaux ». Ces tuteurs légaux doivent faire l’inventaire, rendre un compte de gestion annuel au Curateur public, fournir une sûreté et constituer un conseil de tutelle qui surveillera leur administration seulement si la valeur des biens à administrer et appartenant à leur enfant mineur dépasse 25 000 $.
- Si c’est une personne autre que les parents de l’enfant mineur, on l’appelle « tuteur datif ». Ce tuteur datif est tenu aux obligations ci-dessus mentionnées, peu importe la somme à administrer, mais si cette valeur est supérieure à 25 000 $, ce tuteur datif devra en plus fournir une sûreté.
Depuis le 1er novembre 2022, ce seuil de surveillance auparavant établi à plus de 25 000 $ est majoré à 40 000 $, et ce, autant pour les tuteurs légaux que pour le tuteur datif.
[3] Une personne mineure est une personne âgée de mois de 18 ans.
En conclusion
Si vous désirez choisir vous-même la personne qui vous représentera dans l’éventualité d’une inaptitude, si vous désirez que cette personne ait de plus larges pouvoirs que ceux de simple administration et si vous voulez établir clairement vos volontés quant à vos soins de fin de vie, la signature d’un mandat de protection est encore plus importante à la suite de l’entrée en vigueur de la Loi. Cependant, il faut bien réfléchir avant de désigner un mandataire afin de choisir une personne de confiance qui possède toutes les qualités requises. Il faut surtout questionner cette personne pour valider qu’elle désire vraiment assurer ces tâches et responsabilités.
fdp possède une variété de services reliés à vos besoins de planification dans l’éventualité d’une inaptitude. Parlez-en avec votre conseiller : il est votre lien direct avec l’ensemble de l’expertise de notre firme.
Nathalie B. Poisson, LL.B., D.D.N.,TEP
Notaire, gestion de patrimoine